Les personnes gravement malades ont parfois besoin d'un cathéter veineux central pour faciliter le diagnostic et la mise en place d’un traitement. Le cathéter peut être placé dans une veine de gros calibre du cou (veine jugulaire interne), du haut du thorax (veine sous clavière) ou de l'aine (veine fémorale). Cependant, cette intervention comporte des risques tels que la ponction artérielle - c’est-à-dire la ponction d'une artère au lieu de la veine, ce qui peut induire la formation d’un hématome pouvant s'infecter ou entraîner une compression de l'artère carotide - et d'autres complications (thrombose, embolie, pneumothorax, lésion traumatique du nerf), c’est pourquoi elle doit être réalisée en aussi peu de tentatives que possible.
Les complications liées à la ponction peuvent être dues à des caractéristiques propres au patient, comme un rapport poids/taille anormal, à des variations dans la structure anatomique (jusqu’à 29 % de chance selon la littérature), à des changements dans la structure des parois liés à la thrombose (Caridi 1998 ; Denys 1991 ; Ferral 1998 ; McIntyre 1992), à une hypovolémie préexistante ou à une coagulopathie (Bernard 1971). D’autres facteurs comme l'expérience du praticien (Bernard 1971), l'environnement dans lequel la ponction est effectuée (Bo-Linn 1982), la position ainsi que les risques inhérents à la procédure de ponction particulière contribuent à l'apparition de ces complications.
Dans le passé, on utilisait des « repères » sur la surface corporelle pour trouver le bon endroit où insérer le cathéter, mais la technique de l’échographie est aujourd’hui disponible.
Cette revue systématique Cochrane a comparé l’échographie aux techniques par repérage anatomique pour guider la pose d'un cathéter dans la veine de gros calibre du cou (veine jugulaire interne). En 2013, nous avons inclus dans la revue 35 études rassemblant 5 108 participants (adultes et enfants). Ces études étaient variées et leur qualité était, au mieux, moyenne. Nous avons renouvelé nos recherches en août 2014. Nous traiterons toute étude présentant un intérêt lorsque nous mettrons la revue à jour.
Néanmoins, l'échographie a offert certains bénéfices. L'utilisation de l'échographie a réduit le taux de complications de 71 %, y compris les hématomes graves (-73 %) et la ponction accidentelle d'une artère au lieu de la veine (-72 %). Elle a également augmenté les taux de réussite, y compris les taux de réussite à la première tentative (+ 57 %) et réduit le temps nécessaire à la réalisation de l'intervention. Aucune des études incluses n'a pris en compte les décès ou les critères de jugement rapportés par le patient (inconfort de l’intervention pour le patient).
Sur la base des données disponibles, nous concluons que l'échographie bidimensionnelle améliore la sécurité et la qualité de l’intervention par rapport à la technique par repérage anatomique, mais ces résultats ne sont pas nécessairement valables pour tous les praticiens ou pour les patients présentant un risque élevé de complications. Toutefois, l'utilité relative de l'échographie en fonction de l’expérience du praticien en matière de pose de cathéter central reste incertaine pour certains critères de jugement. Les résultats de la comparaison entre des techniques par échographie doppler et la technique par repérage anatomique sont également incertains.
Sur la base des données disponibles, nous concluons que l'échographie bidimensionnelle améliore la sécurité et la qualité de l’intervention par rapport à la technique par repérage anatomique. En raison de données manquantes, nous n'avons pas comparé les résultats de l’intervention réalisée par des praticiens expérimentés par rapport à ceux de l’intervention réalisée par des praticiens inexpérimentés pour tous les critères de jugement (ponction artérielle, formation d'hématome, autres complications, succès de la première tentative), et donc l'utilité relative de l’échographie dans ces groupes demeure incertaine. Il n’y a pas non plus de donnée disponible sur l'utilisation de cette technique chez les patients à haut risque de complications. Les résultats de la technique par échographie doppler par rapport à la technique par repérage anatomique ne sont également pas concluants.
Les cathéters veineux centraux (CVC) peuvent aider au diagnostic et au traitement des personnes gravement malades. Le cathéter peut être placé dans une veine de gros calibre du cou (veine jugulaire interne), du haut du thorax (veine sous clavière) ou de l'aine (veine fémorale). Bien qu’elle soit dans l’ensemble bénéfique, l'insertion du cathéter implique des risques de ponction artérielle et d'autres complications. Cette procédure devrait donc être effectuée en aussi peu de tentatives que possible. Traditionnellement, on utilisait des « repères » anatomiques sur la surface corporelle pour trouver le bon endroit où insérer les cathéters, mais la technique par l’échographique est aujourd’hui disponible. Une échographie doppler est parfois utilisée pour compléter l'échographie bidimensionnelle.
L'objectif principal de cette revue était d'évaluer l'efficacité et la sécurité des techniques de ponction guidée par échographie bidimensionnelle (EB) ou par échographie Doppler (ED) pour l’insertion de cathéters veineux centraux dans la veine jugulaire interne chez les adultes et les enfants. Nous avons évalué s'il y avait une différence dans les taux de complications entre la ponction de la veine centrale guidée par repérage anatomique traditionnel ou guidée par tout type d’échographie.
Nos objectifs secondaires étaient les suivants : évaluer s’il y avait une différence entre l’EB et l’ED ; évaluer s’il y avait une différence entre le fait d’utiliser l'échographie pendant toute la durée de la ponction (« directe ») et le fait de l’utiliser uniquement pour identifier et marquer la veine avant de commencer la ponction (« indirecte ») ; évaluer s’il y avait une différence entre différents groupes de patients ou entre différents degrés d’expérience chez les praticiens réalisant l’intervention.
Nous avons fait des recherches dans le Registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) (2013, numéro 1), dans MEDLINE (de 1966 au 15 janvier 2013), dans EMBASE (de 1966 au 15 janvier 2013), dans CINAHL (Index cumulé de la littérature en soins infirmiers et apparentés) (de 1982 au 15 janvier 2013), dans les listes de référence des articles, dans la « littérature grise » et les mémoires. Nous avons également effectué une recherche manuelle dans les journaux, les résumés, ainsi que dans les actes de colloques scientifiques portant sur les sujets des soins intensifs et de l’anesthésie. Nous avons tenté d'identifier les études en cours ou non publiées en contactant des entreprises et des experts dans le domaine, et nous avons cherché dans les registres d'essais. Nous avons renouvelé nos recherches en août 2014. Nous traiterons toute étude présentant un intérêt lorsque nous mettrons la revue à jour.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés et quasi randomisés comparant l'échographie bidimensionnelle ou l'échographie doppler avec la technique par repérage anatomique lors de la pose de cathéters veineux jugulaires internes chez des adultes et des enfants.
Trois auteurs de la revue ont extrait de manière indépendante des données sur la qualité méthodologique, sur les participants, sur les interventions et les critère de jugement pertinents pour l’étude en utilisant un formulaire standard. A l’origine, nous voulions effectuer des analyses de sous-groupes, lorsque cela était possible, pour les adultes et les enfants, ainsi que pour les praticiens expérimentés et les praticiens inexpérimentés.
Sur les 735 citations identifiées, 35 études auxquelles ont participé 5 108 participants respectaient les critères d'inclusion. La qualité des données probantes était très faible pour la plupart des critères de jugement et modérée, au mieux, pour quatre d’entre eux. La plupart des essais présentaient un risque imprécis de biais dans les six domaines, et l’hétérogénéité entre les études était significative.
L'utilisation de l'échographie bidimensionnelle a réduit le taux global de complications de 71 % (14 essais, 2 406 participants, risque relatif (RR) 0,29, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,17 à 0,52 ; valeur P < 0,0001, I² = 57 %) et le nombre de participants ayant subi une ponction artérielle accidentelle de 72 % (22 essais, 4 388 participants, RR 0,28, IC à 95 % 0,18 à 0,44 ; valeur P < 0,00001, I² = 35 %). Tous groupes confondus, les taux de réussite globaux ont légèrement augmenté à 12 % (23 essais, 4 340 participants, RR 1,12, IC à 95 % 1,08 à 1,17 ; valeur P < 0,00001, I² = 85 %), et des bénéfices semblables ont été observés dans tous les sous-groupes. Le nombre de tentatives nécessaires pour réussir la canulation a diminué dans l'ensemble (16 essais, 3 302 participants, différence moyenne (DM) -1,19 tentatives, IC à 95 % -1,45 à -0,92 ; valeur P < 0,00001, I² = 96 %) et dans tous les sous-groupes. L'utilisation de l'échographie bidimensionnelle a augmenté de 57 % les chances de réussite dès le premier essai (18 essais, 2 681 participants, RR 1,57, IC à 95 % 1,36 à 1,82 ; valeur P < 0,00001, I² = 82 %) et diminué le risque de formation d'hématomes (réduction globale de 73 %, 13 essais, 3 233 participants, RR 0,27, IC à 95 % 0,13 à 0,55 ; valeur P 0,0004, I² = 54 %). L'utilisation de l’échographie bidimensionnelle a réduit de 30,52 secondes le temps nécessaire pour réussir la canulation (DM -30,52 secondes, IC à 95 % -55,21 à -5,82 ; valeur P 0,02, I² = 97 %). Des données supplémentaires sont disponibles pour appuyer l'utilisation de l'échographie pendant, et non simplement avant, la pose du cathéter.
L'utilisation de l'échographie Doppler a augmenté de 58 % les chances de réussite dès la première tentative (quatre essais, 199 participants, RR 1,58, IC à 95 % 1,02 à 2,43 ; valeur P 0,04, I² = 57 %). Quand l’échographie Doppler était utilisée, on n’a pas montré de différence pour le nombre total de complications ou d'événements indésirables périopératoires et postopératoires (trois essais, 93 participants, RR 0,52, IC à 95 % 0,16 à 1,71 ; valeur P 0,28), pour le taux de réussite global (sept essais, 289 participants, RR 1,09, IC à 95 % 0,95 à 1,25 ; valeur P 0,20), pour le nombre total de tentatives avant de réussir l’intervention (deux essais, 69 participants, DM -0.63, IC à 95 % -1,92 à 0,66 ; valeur P 0,34), pour le nombre total de participants ayant subi une ponction artérielle (six essais, 213 participants, RR 0,61, IC à 95 % 0,21 à 1,73 ; valeur P 0,35) et pour le délai de réussite d’une canulation (cinq essais, 214 participants, chacun utilisant une définition différente pour ce critère ; DM 62,04 secondes, IC à 95 % -13,47 à 137,55 ; valeur P 0,11). Il n'a pas été possible d'effectuer des analyses pour les autres critères de jugement car ils n’étaient communiqués que dans un seul essai.
Post-édition : Camille Singlis-Maguer - Révision : Manon Saudubray (M2 ILTS, Université de Paris)